mardi 3 juin 2008

Correspondance avec Yvon jean

Suite à la soirée de slam de mai, il y a eu beaucoup de commentaires insatisfaits concernant les notes émises par les juges. Des poètes ont trouvé déplorable leur verdict. Certains ont dit qu'ils avaient volé la vedette, mal jugé les slameurs, etc. Yvon Jean m’a demandé mon avis, au travers l’avalanche des opinions. Alors voici.


Cher Yvon

Ça fait beaucoup d'opinions partagées… Il y a du vrai partout selon moi, mais je me range surtout du côté de Benoît Ponton : ça semble faire partie de l'essence même du "slam": le juge aime ou n'aime pas et note en conséquence, sans avoir à se justifier.
Au bout du compte, c'est ça.
Vois-tu, cette fois-ci, il semble que les notes ne montaient pas; le mois dernier, elles semblaient toutes monter, parfois trop haut (selon moi, en tant que public).
Les juges sont influencés par le public mais aussi par l'énergie du soir, la brochette de slameurs, le type de poésie, la bière, les états altérés, la pleine lune et que sais-je? On aime ou on aime pas, parce que savoir juger, c'est une autre chose.
J’ai présenté des textes dans toutes sortes de factures : sexe, guerre, rap, exploréen, absurde, drôle, casse-gueule, urbain, politique, etc. J’ai donné le maximum. Souvent la foule hurlait mais les juges notaient selon d’autres critères. Je sortais de là un peu découragé, en regardant tout le travail qu j’avais fourni. Mai comme dit mon ami Ivy, faut pas faire du slam une affaire personnelle. J’ai toujours persévéré. On m’a conseillé de rendre mes textes plus exaltants afin de toucher la corde sensible du public. J’y travaille.
J’ai vu un juge me donner 0/10 et un autre 10/10 pour le même slam. J’ai vu des juges amis de slameurs en compétition et qui les encourageaient avec évidence. J’ai vu un juge qui attendait que les 4 autres montrent leurs notes pour se fixer lui-même, incapable d’avoir une opinion personnelle ou pour ne pas s’attirer les choooouuu du public. J’ai vu une juge qui notait à tous 9,2; je lui dit : tu mets toujours la même note? Elle m’a répondu : oui, c’est pas grave. !!
Les juges sont stressés ou ils s’amusent. L’important est donc de nous amuser aussi à slamer.
Personnellement, si j’avais à orienter plus le travail des 5 juges, je proposerais 5 critères précis d’évaluation : la richesse poétique, la performance sur scène, la qualité de la langue, le contenu du texte et l’originalité.
Après 2 ans d’essais, je me suis interrogé souvent sur la raison qui fait qu’un slameur gagne la première place. Il y a plusieurs facteurs. Techniquement, il a le pointage des juges. Mais ce qui fait qu’on gagne ce soir là dépend aussi d’un certain hasard (parce qu’il y a trop d’impondérables), d’une certaine chance (les dieux du slam t’ont souri…), d’une volonté de gagner soutenue par le labeur investi et d’une certaine justice, sinon d’une justesse. Une chose est sûre, il n’y a rien d’acquis et il ne faut pas s’asseoir sur nos lauriers. En ce genre de choses, comme ailleurs dans la vie, je m’en remets à un principe implacable qui dit qu’il n’arrive à un homme que ce qui lui ressemble et non ce qu’il mérite. Tu gagnes? Bravo! Ça te revient. À chacun son petit moment de gloire.

Voilà ce que j’en pense.

à +
Amicalement,

Pierre

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je découvre le slam petit à petit et j'aime vraiment beaucoup!

Pierre Boudreau a dit…

salut Chris

le slam, c'est vaste
c'est vraiment la liberté d'expression

allez-y!

Christian Roy, aka Leroy a dit…

les propos rapportés par Yvon Jean sont très justes. il est difficile de prédire ce que les juges aimeront ou enterreront, mais à Québec, je n'ai rien vu qui ressemblait à de la partisanerie, heureusement.

c'est vrai que ça se résume pas mal à «on aime ou pas». mais il me semble que la richesse poétique et la performance en elle-même devrait être des barèmes pour donner une note. on ne peut pas donner une note pcq'on aime, pcq'on est touché; il faut au minimum analyser la poésie, même si le temps d'analyse est très court.

mais je retiens une chose de l'inévitable speech d'André Marceau, le slamestre à Québec, qu'il dit avant chaque joute : en slam, c'est au slameur de faire un effort pour être compris, et non au public d'essayer de comprendre.

il y a de très bons poètes à Québec qui ne réussissent pas en slam car ils sont trop... poétiques ou hermétiques. le slam démocratise un peu la poésie, mais il faut faire attention à ne pas devenir racoleur...

bref, une discussion qui pourrait durer des siècles et des siècles.

hey men.

Pierre Boudreau a dit…

Bien dit!