mercredi 11 juin 2008

Hymne au slam

HYMNE AU SLAM

Aux slameurs du monde entier


Je slame en silence
Je glisse ma lame
dans la chair des mots
pour en extraire la quintessence
J’enfonce ma lance
dans l’armure des cœurs
pour faire gicler le sang
des hommes, des femmes et des fleurs
Je suis le slamouraï!
Tranche dans le superflu
Guerrier du super flot
Slame fort et haut
sinon on s’endort
et à la poésie on fait un tort immense
La poésie c’est l’or du silence

Slame en rimes ou slame en prose
mais affirme tes choses

Pour un hymne, une cause ou une infime petite chose
slame en crime ou en rose
abîme, arrose, arrime ta glose
décompose ta névrose et compose grandiose
mais slame sans frime et sans pose
slame en sourdine ou en surdose d’adrénaline
ose, exprime, fulmine, explose, culmine à l’apothéose!
mais fais une pause, que ça se dépose
t’es pas une machine, t’es une slameuse, un slameur
et la poésie est une clameur…

Tu peux slamer en vers, tu même peux à l’envers parler
slame Prévert, Ferland, Nelligan, Baudelaire
mais slame surtout ce que t’as en dedans
fais ça pour l’amour de la poésie
comme Oncle Slam, Mark Smith qui incite: kiss it, kick it, scream it now!
Le slam c’est de la poésie qui clame en scène
poésie enceinte qui accouche sans hésiter
Poète, tu montes sur les planches, tu clenches ou tu flanches…
peu importe, ce qui compte, c’est ta présence fraîche et franche.
Tu es fou de la poésie
et dans le feu le feu roulant du slam
pour une ou deux rondes
seul avec ton courage et ton momentum 3 minutes 10 secondes
accessoire minimum : texte micro mémoire
et devant toi l’auditoire et les juges
des fous de la poésie

Slame en rimes ou slame en prose
mais affirme tes choses

Lis ton texte ou livre-le par le cœur!
Si ta mémoire a un blanc qui te plonge dans le noir, tu te sens mal, c’est normal
un trou noir, c’est troublant. Respire… ça va te revenir. Au pire, tu perdras au temps.
Mais perdre ou gagner n’est pas important : ce qui l’est c’est l’art
et la poésie c’est l’art qui transforme le regard, même l’enfer devient lumière.

Toi tu rages full, toi tu fais rire la foule
Confie ton journal ou slame ça en joual
Le slam urbain n’est pas une vile poésie, ça parle des gens et ça les rejoint
Tu monologues, tu contes, tu chantes, tu rap, tu versifies : diversifie ta performance perfore-moi ça à l’infini cette beauté sombre de la vie
Le slam adore la poésie libre de formes, d’écoles, de codes et de dogmes
Pas d’étiquette! Voilà l’éthique
Mais pour slamer, tu dois d’abord te claquer toi-même!
Si tu restes figé dans ton propre style, yo, tu ne vaux pas plus qu’un stylo
Sois toi-même! poète farouche, par la plume et par la bouche, parce que tu es unique!

Pierre Boudreau
Montréal, 2008

mardi 3 juin 2008

Correspondance avec Yvon jean

Suite à la soirée de slam de mai, il y a eu beaucoup de commentaires insatisfaits concernant les notes émises par les juges. Des poètes ont trouvé déplorable leur verdict. Certains ont dit qu'ils avaient volé la vedette, mal jugé les slameurs, etc. Yvon Jean m’a demandé mon avis, au travers l’avalanche des opinions. Alors voici.


Cher Yvon

Ça fait beaucoup d'opinions partagées… Il y a du vrai partout selon moi, mais je me range surtout du côté de Benoît Ponton : ça semble faire partie de l'essence même du "slam": le juge aime ou n'aime pas et note en conséquence, sans avoir à se justifier.
Au bout du compte, c'est ça.
Vois-tu, cette fois-ci, il semble que les notes ne montaient pas; le mois dernier, elles semblaient toutes monter, parfois trop haut (selon moi, en tant que public).
Les juges sont influencés par le public mais aussi par l'énergie du soir, la brochette de slameurs, le type de poésie, la bière, les états altérés, la pleine lune et que sais-je? On aime ou on aime pas, parce que savoir juger, c'est une autre chose.
J’ai présenté des textes dans toutes sortes de factures : sexe, guerre, rap, exploréen, absurde, drôle, casse-gueule, urbain, politique, etc. J’ai donné le maximum. Souvent la foule hurlait mais les juges notaient selon d’autres critères. Je sortais de là un peu découragé, en regardant tout le travail qu j’avais fourni. Mai comme dit mon ami Ivy, faut pas faire du slam une affaire personnelle. J’ai toujours persévéré. On m’a conseillé de rendre mes textes plus exaltants afin de toucher la corde sensible du public. J’y travaille.
J’ai vu un juge me donner 0/10 et un autre 10/10 pour le même slam. J’ai vu des juges amis de slameurs en compétition et qui les encourageaient avec évidence. J’ai vu un juge qui attendait que les 4 autres montrent leurs notes pour se fixer lui-même, incapable d’avoir une opinion personnelle ou pour ne pas s’attirer les choooouuu du public. J’ai vu une juge qui notait à tous 9,2; je lui dit : tu mets toujours la même note? Elle m’a répondu : oui, c’est pas grave. !!
Les juges sont stressés ou ils s’amusent. L’important est donc de nous amuser aussi à slamer.
Personnellement, si j’avais à orienter plus le travail des 5 juges, je proposerais 5 critères précis d’évaluation : la richesse poétique, la performance sur scène, la qualité de la langue, le contenu du texte et l’originalité.
Après 2 ans d’essais, je me suis interrogé souvent sur la raison qui fait qu’un slameur gagne la première place. Il y a plusieurs facteurs. Techniquement, il a le pointage des juges. Mais ce qui fait qu’on gagne ce soir là dépend aussi d’un certain hasard (parce qu’il y a trop d’impondérables), d’une certaine chance (les dieux du slam t’ont souri…), d’une volonté de gagner soutenue par le labeur investi et d’une certaine justice, sinon d’une justesse. Une chose est sûre, il n’y a rien d’acquis et il ne faut pas s’asseoir sur nos lauriers. En ce genre de choses, comme ailleurs dans la vie, je m’en remets à un principe implacable qui dit qu’il n’arrive à un homme que ce qui lui ressemble et non ce qu’il mérite. Tu gagnes? Bravo! Ça te revient. À chacun son petit moment de gloire.

Voilà ce que j’en pense.

à +
Amicalement,

Pierre