lundi 19 mai 2008

Le slam, ma définition

Le slam : célébration de l’art oratoire et tournoi de poésie.

Slam signifie «qui claque». Le slam poésie n’est pas une simple lecture de textes; c’est un show poétique qui frappe. Le slameur, la slameuse, saisit son public par le col et le sort de sa torpeur, le bouscule, l’émeut, le fait rire, le faire fondre, le submerge de mots, de sons, de rythmes et d’images.

Le slam poésie est une performance solo d’un poète qui déclame a capella un texte dont il est l’auteur, non improvisé, en 3 minutes maximum, sans accessoire (musique, costume, mime, objets, etc.); la parole suffit! Les rencontres de slam se font souvent dans les bars. Elles regroupent des slameurs qui s’affrontent amicalement dans une joute oratoire palpitante. Les soirées de slam poésie comptent entre 6 et 12 slameurs qui performent, tour à tour, sous la houlette d’un maître de cérémonie. Dans l’auditoire, cinq juges sont choisis au hasard pour noter les performances des poètes, selon qu’ils aiment ou n’aiment pas. Toutefois, le but n’est pas de gagner, mais de célébrer la poésie elle-même.

Le slam privilégie la liberté d’expression. Poètes académiques, poètes de la rue, versificateurs, chanteurs, rappeurs, conteurs, comédiens et autres troubadours se tournent vers le slam. Celui-ci n’en demeure pas moins une forme de poésie libre de codes et de dogmes. En prose ou en vers, rimé ou non, feuilles en mains ou déclamé par cœur, on slame dans tous les styles et sur tous les sujets. On met à nu son cœur, on dénonce, on démolit, on chante la beauté de la vie, on fait claquer les mots; on donne dans le slam urbain, historique ou social; slam engagé, slam à message; textes drôles, fantaisie poétique, jeux de mots, histoires à coucher dehors et virtuosité oratoire, tout y est.

Dans la mouvance des arts de la scène comme la performance poétique, le spoken word, le rap et le hip hop, le concept du slam a été développé à Chicago en 1984 par Marc Smith qui «détestait les scènes ouvertes de poésie, souvent longues et ennuyeuses». Le slam est venu dépoussiérer les spectacles traditionnels de poésie en suscitant au maximum un contact direct avec le public. On peut s’attendre de l’auditoire à des réactions sympathiques ou plus musclées. Le slam est fondé sur des valeurs de communauté, d’expression et de créativité qui veulent rendre la parole accessible au plus grand nombre. Il est devenu un genre oratoire à part entière, reconnu aujourd’hui internationalement. Les É.-U., la France et le Canada ont tous leur ligue de slam. Depuis 2006, Slamontréal offre une tribune aux poètes qui désirent performer et depuis 2007, la Ligue québécoise de slam, également fondée par Ivy, permet aux slameurs de Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Gatineau et Montréal de concourir jusqu’en finales.

Dans la francophonie, Ivy, Mathieu Lippé, Grand Corps Malade, Ami Karim et d’autres s’emploient à slamer sur de la musique. Ce projet esthétique n’est possible qu’en dehors des concours de slam poésie qui n’autorisent que la parole, mais il a le mérite de rendre le slam accessible au grand public. Bien qu’ils soient issus du milieu de la chanson, Léo Ferré, Claude Péloquin, Lucien Francoeur, Raoul Duguay, Jean Leloup, peuvent être considérés, eux aussi, comme d’excellents slameurs.

Notons que, parallèlement aux tournois de slam poésie dont nous avons fait mention, on retrouve le concept de «slam session» qui exclut l’idée de concours, avec ses juges, etc. Ici, on slame pour le plaisir de slamer. Enfin, il y a la pratique du «slam sauvage». Sans avertir, les slameurs prennent d’assaut les lieux et rassemblements publics : rues, écoles, stations de métro, marchés, festivals, etc. Il y a un risque à courir… mais que ne ferait-on pas pour la poésie?

En résumé, tenons-nous en à l’essentiel : quand la poésie et la performance se rencontrent dans leur pleine mesure, on peut alors parler de slam poésie.

Pierre Boudreau

samedi 10 mai 2008

Poème de la semaine

La moustache de Dali

Les racines d'yeuse fourmillent de fourmis
L’ÉMISSAIRE vertical s’écroule sur un lys.

Au faîte du monde, les Andes, la poudrerie
Survivre est impossible sans la glace des cuisses.

Nourisson, au berceau, tu te donnes l’agonie
La terre tremble et inhale un pâté d’édifices.

Sur un yack ou un peuplier de Lombardie
La foudre s’abat des hautes terres aux abysses.

Lourde lourde enclume de mélancolie
Un fou à New York cloue un piano sur un Christ.

Petit peuple tueur d’épormyables génies
Opium des thuriféraires, pavot de polices.

Six mille temples au Tibet repensent l’amour pourri
L’innocence des cyclones, l’éléphantiasis.

Les pharaons sous leur pschent ont broyé la vie
Et le viol des soldats et le choc des matrices.

Sans pitié la faucheuse d’un vieillard alangui
S'obstine dans la frêle ossature d’Ulysse.

Le temps use le marbre et sable l’infini
On ne martèle pas le David par caprice.

Un prédateur sur une gazelle bondit
L’ange exterminateur signale 6-6-6

Et tout ce miel brûlant et pugnace d’Hawaï
Qui put l’étendre sur des épaules sans malice?

Même l’Atlantide ourle dans l’eau de l’oubli
Même les Who détruisent tout, croassent, périssent.

Une rivière de blues noir qui sort de son lit
Insubmersibles, des mers, ils s’y engloutissent.

En disloquant ta poupée, fillette ravie
Les corrompus de la moelle sévissent.

Comme le désir qui se farde de vert-de-gris
Le couperet voltige autour d’un clitoris.

Ô crottes de karma, taches sur paradis
Au plus tendre de l’hymen, hernie du pénis.

Refoule la jouissance, foule l’hypocrisie
Des reines sans gaité courrent la chaude-pisse.

Trans, alcools, nicotine et caféine, enfouis
Commerce maudit: soies de femmes, enfants d’épices.

Tabouez! Empoisonnez l’inceste, culs-bénits!
Moroses, névroses, psychoses, autant d’indices

La voie lactée de nos amours stagne et surri
Acte de Dieu ou collision: excuses, bis.

Indigos, mordorés, empourprés et inouïs
Les rayons sombrent dans l’indifférence triste:

Quatre cents milliards de soleils, une galaxie
En cendre cette magnificence factice.

Sade, pour étreindre la lumière, ta sodomie
Bombes chargées de justesse, jamais d’injustice.

Avale Hiroshima ton champignon rishi
Nature cours à ta perte, les hommes renchérissent.

Travail, tu déculpabilises, vexes et occis
Truie d’homme, tu dévores ta portée, tu t’en crisse.

Il a vu dans le dos d’Hitler «la vache qui rit»
Comment se fait-il alors que tout dépérisse?

Et l’on s’entre-tue do ré mi fa sol la si
Inextricable remords du Père et du Fils.

Tous ont entendu le gong de l’entéléchie
L’orgueil d’être Dieu, bafoué: la peur qu’on se hisse

Tu avorte ton Grand Rêve, tu meurs endormi
Tu nies ta chair sur le méchoui du sacrifice.

Mais, la culture du cinabre enseveli
Pourrait dénouer l’alpha des fouets de jadis.

Bref, c’est à l’ombre bleue de l'yeuse que Dali
Fit passer le BOUC par le chas de ses vibrisses.


Pierre Boudreau ©
Août 2003


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Savoir que le pigeon concougère a changé ma vie...
Quelle expression extraordinaire !
De plus le pigeon est un oiseau qui allaite...
Enfin, je suis un peu déçu de ne pas avoir d'exemple sonore du verbe concougérer
car il s'agit bien d'un cri d'animal.
Si vous trouvez, faites-le moi savoir.
Voici, à la demande générale, le texte intégral de mon slam sur les cris d’anomaux et la bêtise humaine.
Mise en garde : il n’y a pas ici de création de poésie sonore ; les verbes utilisés font tous parti de notre belle langue française.

Les sages et les bêtes

Le goéland pleure devant l’ampleur de la bêtise humaine
Il pleure, c’est son cri
L’animal a son cri, l’homme a son cri
Tout crie, tout crie, tout cri brise le silence
et le mien! vient à la défense de la sagesse animale
vient à la défonce de la bêtise humaine
Ce slam est un cri, n’a pas été écrit pour la Nationale Géographie
il a été pondu… par un homme
aussi vrai que la poule crétèle, que le coq coquerique et dodeldire
ce texte a été pondu comme un œuf pour slamer le coco des hommes
Je lève mon chapeau, mon chapon, aux animaux de ce monde parce que leurs intentions sont claires
Les hommes, eux, fourmillent, barbotent, canardent, grenouillent, crapahutent et serpentent dans la folie
Ils se font du sang de cochon, ils se font exploiter par les requins de la finance
Je suis le bouc slamant! pas le bouc et misère
Si vous êtes des moutons, vous serez tondus!

Dans le monde animal
il n’y a pas de guerre… mondiale
il n’y a pas de menace… nucléaire
il n’y a pas de magouille politique
donc, pas d’attaque… terroriste
Dans le monde animal
il n’y a pas de névrose religieuse, de viol d’enfant, de complot familial ni même de morale
La morale, c’est le flic dans la tête!
Chez les bêtes, il n’y a pas de trafic… de drogue
il n’y a même pas de bière!
c’est un peu platte, mais c’est pas tous les animaux qui mènent une vie de chien
J’ai vu un cerf voler
J’ai vu un morceau de beurre s’envoler, un butterfly… avalé par un cerf volant!

Aussi vrai que la mésange zinzinule et que la cigale stridule
le corbeau croasse et le crapaud coasse, le coucou coucoule, le hibou bouboule!
Aussi vrai que la baleine chante
il existe une sagesse animale!

Bien sûr, comme chez les humains, il y a des exceptions, certains spécimens ne sont pas aimables
En fait, il y en a deux : le maringouin…
et le pitbull, mais ce chien méchant est encore un produit de l’industrie humaine
encore là, oui, il existe une bêtise humaine!

Aussi vrai que la biche brame, que l’alouette tirelie,
le moineau chuchète et la grue trompette
la gélinotte glousse, le dindon glougloute,
le perroquet craque et la cigogne claquette
la chouette hioque, la perdrix brouit, le rat chicote, le pingouin jabote
le pivert pleupleute et le merle flûte!
la corneille corbine et le rossignole rossignole
le yack et le phoque grogne mais ne se rencontreront jamais
Oh, le signe drense et le pigeon roucoule bien sûr, mais il concougère… et froue
Aussi vrai que le jars jargonne, que l’éléphant barrit et baronne et que le chameau blatère
L’homme déblatère des bêtises, il démolit la terre, quelle bêtise!
En n’avez-vous pas assez de la bêtise humaine?

Parfois, j’aimerais mieux être un chat
ronronner, feuler, mordre la fourrure des chattes et me laisser caresser
mais j’utiliserait toute ma ruse pour choisir mon maître…

Pierre Boudreau
Août 2008